Maroc 2019, 2 mois d’octobre à mi décembre, 6500 km, ferry de Genova à Tanger

19.10.19, Genova

Déjà le souk…

L’excelsior est à quai, le parc se remplit de véhicules et la file d’attente au check police fait de même. Devant les guichets encore fermés, on y discute en arabe et au vu du chargement de ce monospace, y a pas de doute, on est bien en partance pour le Maghreb. Nous sommes à Gênes, Tanger est à 52 heures de mer.

Ovada la grise colorée.

Partis hier, dans la plaine du Pô, le riz n’est plus en eau… Nous avons bivouaqué à Ovada sur l’aire CC de la ville, à 50km de Gênes. Joli centre ville, on y a passé un moment sympa sur une terrasse, accompagnés d’un prosecco et de la procession de ‘San Pietro del crocce’. Notables en tête, suivis des écoles, de la fanfare, du saint, des ecclésiastes et finalement du populo encadré de la police municipale ; il ne manquait que les militaires….

Ensuite achat de raviolis et balade en ville, la pluie nous a rattrapé sur le retour et ne nous a pas lâché de la nuit. Les raviolis sont un cuisant échec mais la nuit, reposante, est une pleine réussite.

L’excelsior

Les neuf étages du bateau accueillent 1700 passagers et les deux ponts ‘garage’ gobent les centaines de vehicules. Du scooter au poids lourd, tous les gabarits sont présents.

Au soleil couchant, le blanc des navires se détache de l’ocre des façades de Gênes. Les nuages sombres couvrant les reliefs mettent en valeur les couleurs des containers. Il a fait un temps de chiotte toute la journée mais là, à l’instant du départ, règne un bel équilibre.

Genova

20-21.10.19, méditerranée, pont 9

Tout autour : de l’eau. Voilà 40 heures que L’excelsior, imperturbable, trace sa route. La côte ibérique qu’on distingue parfois à tribord apparait comme un lien affectif apaisant. Nous flottons entre l’Europe et l’Afrique, les monts du Rif devraient bientôt se matérialiser à bâbord. Mais, depuis Gênes déjà, nous avons quitté l’occident. Je fais le vœux qu’un jour, la méditerranée lie plus qu’elle ne sépare.

Le pont 9

Sur le pont 9, lieu d’aisance canin, la dimension du navire s’exprime. Le carénage des structures techniques ressemble à un bateau qui flotterait en son centre. Peu couru des passagers, il fait bon y être à l’écart malgré le vent toujours présent. Lorsque la brise se rajoute aux 40km/h du bateau, ça décoiffe.

24.10.19, Cala Iris

Avant hier, nous avons passé notre première journée marocaine à Martil. Ville côtière sans grand charme, elle devait servir de base pour visiter Tetouan. Mais au final, je ne me sens pas d’affronter les foules et c’est accompagnés d’une multitude de candélabres que nous filons le long de la grande bleue vers l’est.

Cala Iris

Après une magnifique route côtière, nous ‘échouons’ dans un camping improbable à Cala Iris. Impression de bout du monde. Sur le port nous n’avons rencontré que des marins pêcheurs marocains. L’ étonnement de se voir fut mutuel mais l’accueil chaleureux du serveur au ‘bistrot’ compensa la froideur ressentie à Martil.

Ici c’est beau ! Les collines arides égrènent leur ocre en direction du Rif. Le contraste eau-terre est magnifique. Ce coin rude et pauvre, lieu de vie pour les pêcheurs et quelques rares agriculteurs, serait parfait pour une relecture du ‘vieil homme et la mer’.

25.10.19, De Cala Iris à Fès

La traversée du Rif est au programme de la journée. Au fur et à mesure que l’on se déplace, les montagnes passent du rouge au gris argenté du mica. Les villages se font rares, les cultures en espalier squattent les pentes basses, la route en pleine réfection reste ‘carrossable’. Il n’y a plus trace du moindre touriste depuis 4 heures, l’impression de découvrir est bien là, on est aux anges. Pour 30dh six sous j’achète à Targuist des fruits et légumes pour deux jours et il me faut bien dix minutes pour m’entendre avec le boucher d’à côté. Ici on parle en centime de dirham. Alors quand je finis par comprendre, les 5000 de la machine à calculer ne sont plus un problème et le sourire revient entre acheteur et vendeur. Je le quitte donc avec un beau morceau de bête à corne…

Le Rif

On traverse sans s’arrêter le grenier à shit de l’Europe puis, vers Taounate, on descend sur le ‘plateau’ céréalier qui borde Fès. Cette région qui, à cette saison, allie la douceur des reliefs toscans à la sècheresse de Tabernas est aussi magnifique. Nous avons bien dû passer une dizaine de barrages de police sur les deux cents km de route. C’est beaucoup mais, je dois bien l’avouer, c’est aussi sécurisant. Le camping sélectionné à Fès est fermé, on se rabat sur l’international. Si la porte d’entrée est encourageante, l’intérieur reste bien ‘local’. Mais ça ne nous empêche pas d’y cuisiner, d’y passer une bonne nuit et d’y profiter d’une douche chaude : L’essentiel est sauf.

26.10.19, Fès et sa médina.

Bou Inania

Nous partons du camping avec guide et grand taxi pour découvrir les alentours de Fès et sa médina. La medersa de Bou Inania, généreuse, nous offre ses charmes en guise de première visite. Ce beau bâtiment, bien restauré, accueillait les lettrés du temps où l’occident ignorait encore l’usage du zéro. Mais tout a changé. Les autres medersas et palais sont ‘en restauration’ et la beauté architecturale de la ville se résume presque à ses 350 mosquées. Et comme ces dernières ne sont pas accessibles aux infidèles, l’offre est finalement bien étriquée.

Fès

Bien sûr il reste les souks, l’incroyable dédale de la médina, les artisans, quelques portes magnifiques et tout le folklore autour. Mais j’avoue que ce grouillement mercantile m’a laissé nostalgique des palais nasrides andalous.

27.10.19, la touriste à Azrou

Nous quittons Fès pour le Jbel Hebri en passant par Ifrane. On y retrouve des maisons en pierre, des toits en tuiles rouges, des cheminées carrées; tout comme chez nous. De là on emprunte une petite route à travers la forêt de cèdres et terminons à Azrou dans un petit camping charmant. Au lieu du barbu de service, c’est une jeune fille souriante qui nous accueille, il suffit de peu pour me contenter. Le bus orange prend place sous les cerisiers encore verdoyants. Ça va nous reposer de Fès !

Le lendemain, Marthe fait sa tourista et Je me ressource au milieu des magnifiques cèdres en attendant mon tour. Puis on s’offre le service traiteur dans le bus. Alors qu’on déguste une délicieuse truite aux morilles et une tagine de bœuf, un monstrueux bus allemand arrive. incrédules, nous comptons les passagers qui en sortent. Il sont vingt à y vivre, notre petit bus orange vient encore de gagner des étoiles !

Les cèdres d’Ifrane

29.10.19, Marthe va mieux, nous roulons à l’Est en direction des sources de l’Oum dans le moyen Atlas. Arrêt courses à Azrou, nous rentrons au bus avec tout ce qu’il faut et même un tapis berbère… Les singes espérés hier sont là en nombre sur ces hauteurs, bien loin du parc national. La route n’a plus guère de goudron mais ça roule quand même, elle nous emmène loin dans ce nomansland où on voit plus de moutons qu’en un mois en NZ. Puis elle plonge sur la vallée de l’Oum et ses sources. Balade aux sources puis nous poursuivons la route pour M’Rirt où on bivouaque.

30.10.19, Midelt.

Nous avons dérivé de notre route. En fait c’est une chance car pour rejoindre Midelt il nous faut traverser le plateau de l’Arid et c’est beau. Passé le col de Fillali, c’est une vaste étendue céréalière qui s’ouvre à nous. Nous sommes à presque deux milles mètres mais ça ne semble gêner ni les arbres ni les blés. Entre moyen et haut Atlas, lentement, nous perdons de l’altitude. Le bus ronronne, l’horizon ocre défile, la route nous hypnotise et nous plonge dans un état contemplatif. D’un coup les cultures disparaissent. Reste l’aridité. Le sud s’annonce. Le vert renaît dans une petite dépression, nous arrivons à Zaïda, notre bivouac nous attend à proximité du  »fleuve’ Moulouya.

01-02.11.19, Gorges du Ziz

Nous traçons au sud, passons Midelt et arpentons les contreforts du haut Atlas par le défilé N’Zala. Comme d’habitude les montagnes sont somptueuses. Les pentes érodées s’offrent en mille feuilles, le pisé est apparu avec les premiers ksours. Nous nous engageons dans les gorges du Ziz et faisons halte à l’improbable camping Jurassique.

ici meurt le haut Atlas et naît le Ziz

Un peu à l’arrache, on s’invite dans un groupe pour la visite d’un vieux ksar. Luc, Bernadette et Kenza qui sont en route depuis trois ans nous introduisent auprès de Salam, un couple touchant des Canaries nous accompagne aussi. On s’était mis à douter de l’accueil marocain. Là, Salam et toute sa famille nous permettent bien vite de baisser notre garde. Visite intéressante, le soir venu on prend le thé sous la pergola puis nous mangeons avec Bernadette et sa famille. Un lien affectif est né avec le Maroc.

Le lendemain, nous nous lançons dans une belle balade sur les hauts de ce petit ‘grand canyon’. Fourbus et poussiéreux, la douche est une bénédiction puis les brochettes-frites un don.

Les gorges du Ziz

03.11.19, Le premier erg

Me voilà au sommet de la dune Merzouga. Pas de risque de se perdre. Il y a pléthore de quads et 4×4, les campements et la ville me cernent, il n’y a guère qu’au N-NE que le sable s’étend et touche l’horizon. Mais c’est plaisant quand même et je vais redescendre en volant…

Hier, nous avons suivi le Ziz. Passé le lac, ce n’est qu’une longue oasis de 80km encastrée de quelques dizaines de mètres dans un immense plateau désertique. A l’approche de Merzouga, le Ziz s’est déjà bien étiolé. Il finit par se perdre dans le désert. L’erg Chébbi rose orangé lui ravit la vedette. De la lumière aux devises il capte tout.

Cap veret et erg Chébbi

04.11.19, Merzouga – Tinerhir

Nous quittons le camp Liberté de Merzouga. Adieu sympathique à Mohamed qui n’est pas du style compliqué et a une longue expérience du farniente. Son camping s’en est accommodé et nous, nous avons apprécié la tranquillité et la vue.

Au pays des seigneurs du désert, le chèche assied son homme. Les touristes se contentent de 2,5m de tissu cheap. Comptez 3,5m tissé main et blanc pour le chef de maison. Le touareg se la pète avec 25 mètres de tissu coloré. Treize tours sur le crane et le solde porté en écharpe ou cache nez. Quels coquets ! Ceci dit, ici, le chèche est plus agréable à porter que nos misérables casquettes.

Quittant Erfoud, on visite un Khettara ou Kanat puis nous transitons entre le haut Atlas et le Jbel Ougnatt. Secteur écrasé de chaleur, le brun enrobe tout, seul quelques oasis se maintiennent tant bien que mal. S’il avait été Amazigh, Brel aurait pu écrire : Avec le Sahara pour dernier terrain vague, et des dunes de sable pour arrêter le sable, et de vagues montagnes que le bleu écrase, et qui resteront à jamais roses et rases, avec infiniment de chaleurs à venir, avec le vent de l’Est regardez le brunir, ce plat pays qu’est le Ferkla.

A Tinerhir, le Todra débouche des gorges et arrose une vaste oasis. Nous y bivouaquons sous les palmiers.

05.11.19, Tinerhir-Imilchil

Ce fut une journée riche en visuels. Nous débutons au frais de la palmeraie et nous y baladons au gré des sentiers. C’est une véritable fourmilière où hommes et animaux travaillent dans le calme et le vert.

Puis nous quittons le camping en direction de la haute vallée de la Todra sans trop savoir jusque où nous pourrons rouler. Les gorges sont envahies de touristes. Entre bus, échoppes, nids de poules et séances photos, la traversée est un joyeux ‘boxon’. Mais, la résurgence passée, la populace disparait et nous laisse seuls dans cette vallée escarpée. Au cours de son ascension, l’espace s’ouvre et bientôt nous nous retrouvons dans ce haut Atlas qui fut notre horizon pendant bien des jours.

la palmeraie de Tinerhir

La route est encore goudronnée sauf au passage des villages. Et là on tombe des nues, on tâche de sourire, on tente de vagues saluts, on se sent voyeur, on n’ose pas s’arrêter.

On s’engage dans la montée du Tizi Tirherhousine, les reliefs prennent de l’ampleur, nous sommes dans un océan de montagnes. A 2800m nous changeons de bassin versant et redescendons doucement une vallée verdoyante. La lumière se fait plus chaude, l’automne à coloré les peupliers. Les blés et la luzerne explosent de vert et les façades copient en demi ton les couleurs des montagnes. Tout se tient, la vie est là. Pour moi, c’est déjà la plus belle route marocaine à ce jour.

A Imilchil nous filons sur le lac de Tislit et trouvons notre bivouac à proximité. Le lieu et la lumière sont à nouveau dignes de la journée. Le haut Atlas est décidément magnifique.

Le lac Tislit

06-07.11.19 Imilchil, Dades, Nkob, Erg Ouzina

6 heures du mat, -3 degrés, la première promenade de Bianca est bien fraîche. Nous profitons des crêpes de Malika en guise de petit déjeuner. Puis passons un peu de temps à papoter, à échanger, à troquer et finalement à se quitter. Secrètement j’espérais rallier le Dades depuis Imilchil par une bonne piste. Mais les trois avis récoltés sont catégoriques, ce n’est pas pour notre véhicule. Nous rebroussons donc chemin. Autre lumière, autres angles de vue, c’est le deuxième effet kisscool…

De Tinerhir, nous rallions Boumalne Dades et remontons la vallée jusqu’à proximité des gorges. Le lendemain Brahim nous amène de l’autre côté et c’est à pieds que nous rentrons au camping. A l’entrée du village, une échoppe de coiffeur est ouverte, j’y laisse ma queue de cheval.

08.11.19, journée farniente. Invités chez Brahim pour le couscous vers 14 heures, nous en profitons pour dépoussiérer le bus. C’est un peu mission impossible mais à force de remettre le travail sur le métier, on disperse petit à petit cette couche grise électrostatique. Nous allons laisser tomber M’Hamid au profit de l’erg Ouzina. Inconnu du public, on devrait y être plus tranquille qu’à Chegaga. Nous partirons d’Aït Oudinar en 4×4, traverserons le Jbel Sarhro, Nekob, Tazzarine et Ouzina. Un jour aux dunes puis retour par Taouz, Alnif, Tinerhir. Je me réjouis !

10.11.19 Erg Ouzina.

8h30, nous partons en direction du Jbel Sahro. Bien vite on se retrouve en montagne et dès le passage du col Tiz Tazazert, on plonge à travers les superbes formations rocheuses du Sahro. Peu après Nkob la piste commence et apporte un petit goût d’aventure. Elle suit logiquement le relief et se faufile entre les massifs, le sable jaune qui s’insinue dans le noir des rochers est du plus bel effet. Pointe à 100 km/h sur le lac Maider, séance 4×4 dans les dunes, petit ensablement, on arrive à Erg Ouzina fatigués mais la tête pleine d’images. On prend possession de notre tente berbère et filons dans les dunes pour changer de fatigue. Le coucher de soleil est au rendez-vous, le repas du soir est attendu, la journée est bien remplie.

11.11.19, Erg Ouzina

8H30, en compagnie de notre guide Daoud, nous prenons un agréable petit déjeuner. L’huile d’olive et les crêpes sont délicieuses, dehors il n’y a plus un bruit, nous baignons dans le désert. Il est le seul but de cette journée.

Le vent s’est levé. Il est bien léger mais suffisant pour que je sorte ma Pi. Je joue un peu au sommet de la grande dune mais il n’y a pas vraiment de quoi voler et je découvre que la configuration triangulaire des dunes n’est guère propice au dynamique. Profitant d’un peu d’appui, je glisse en direction du camp. Deux jeunes berbères me surveillent et je n’ai pas besoin de les convaincre pour qu’ils tentent l’expérience. Nous voilà repartis pour une heure dans le sable. Le vent forcit un peu, je remonte péniblement au sommet et finit par voler un chouia… Si le vol n’est pas magistral, la vue est magnifique.

l’erg Ouzina

Ensuite c’est douche, picnic, combat illusoire contre les mouches, écriture et maintenant arrive le temps de la sieste berbère.

Dernière soirée désertique, le coucher de soleil est lumineux. La lune, presque pleine, pointe à l’Est et se donne des airs de soleil. Quelques cirrus voyagent, la nuit sera claire et douce, nous l’attendons dans la paix.

11.11.19 Ouzina – Aït Oudinar, le retour

C’est déjà l’heure de quitter l’Erg Ouzina. Daoud m’offre un premier et dernier tour autonome dans les sables. Nous nous arrêtons sur un site de gravures préhistoriques, l’art y repose. Plus loin un kairn se dresse, je le rends un peu plus incertain et éphémère. Nous rentrons par Marzouga-Alnif-Boumlane.

Nous avions parlé de nos envies de désert à Brahim. Daoud, manager de PleinDésert nous proposa son périple, loin de M’Hamid. Professionnellement, Il a cerné nos désirs et répondu à nos attentes. Exhaussant nos prières communes, l’univers nous a même fixé rendez-vous avec le vent. Belle réussite donc que cette escapade dans un désert quasi désert, loin de l’agitation mercantile de Marzouga ou de M’Hamid.

12.11.19, Vallée des roses, Ou pas, Ou presque !

Nous quittons le Dades pour la vallée des roses. L’idée c’est un peu de route, petite marche dans les plantations et un peu de ‘solitude’ après ces quelques jours plutôt partagés. En route, on fait laver le bus pour 30 dh. Le temps d’une tagine au chevreau, le revoilà orange. On choisit un gîte simple, bien noté sur le guide, pas loin de Skoura. On y arrive, pas un rosier en vue. On remonte encore la vallée sur 20km. Belles vues sur le M’Goun mais pas le moindre rosier. En fait on est une vallée trop loin, les roses sont à 40km de piste… Demain peut-être, inch’Allah.

13.11.19, Toundout-Boumalne Dades.

Mohamed est catégorique. La piste est bonne et ne pose pas de problème avec un bus comme le notre. Ok, c’est confiant qu’on attaque la piste qui doit nous amener en haut de la vallée des roses. Mais en cette journée personne n’est infaillible. Allah doit avoir recours à Massey Fergusson pour nous sortir de l’oued. Dans l’après-midi, un berger venu à notre secours a besoin de Toyota pour nous remettre sur la bonne piste. Vu la différence entre le tracé cartographique de la P1503 et sa position actuelle, le gps finit par déclarer forfait. Et c’est encore un humain marocain qui nous sauve la mise en nous servant de guide. Et moi, ‘perdu’ sur ce haut plateau, j’apprends un peu l’humilité. On s’en sort bien mais on a passé à un chouïa de la cata. Dorénavant la piste ce sera avec le véhicule qu’il faut, une logistique et les outils adaptés, et si possible à plusieurs véhicules.

Mais certaines choses n’ont pas failli : La motorisation Iveco, la beauté de l’Atlas, le rose de la vallée des roses, l’entraide, le plaisir d’une douche chaude, le goût d’un sandwich marocain et le cosy de notre maison nomade.

A bien y regarder, l’univers reste bien généreux.

14.11.19, Boumalne-Zagora

Pour changer, aujourd’hui, nous voguons en terrain connu et goudronné. Plutôt que le morne Dades, nous retraversons le Sahro par le tiz’n Tazazert et engageons une jolie balade à la  »porte d’Ali ».

un marin pêcheur breton pèlerine dans le Sahro. 

Puis nous rejoignons le Drâa par N’Kob. La route trace au sud le long d’une faille, aux pieds de falaises rosissantes entrecoupées d’oueds.

Nous abordons la vallée près de Agdz. Les casbahs en pisé s’inscrivent dans le vert des palmeraies. Au dessus, les falaises ocre et le bleu du ciel mûrissent au soleil faiblissant, nous descendons paisiblement jusqu’à Zagora, la porte du Sahara. Au camping on se croirait outre Sarine. Même à 3000 km de chez eux, les welches restent des welches…

15.11.19, Zagora-Ouarzazate-Tazenakht

Nous remontons le Drâa. Il est des noms ancrés dans mon imaginaire qui résonnent sans raison. Parmi eux : Ouarzazate ! Nous y faisons halte et nous nous offrons un luxe occidental : une heure chez Carrefour. Après 4 semaines de souk et ‘supérette du bled’, ça fait du bien. Puis, bravant la tempête de sable, nous roulons sur Tazenakht où nous trouvons un second tapis et le gîte pour la nuit.

16.11.19 Tata

Au Maroc il est des choses sur lesquelles on peut compter comme la présence policière, les tagines ou le soleil. Et il y a des contraintes tout aussi constantes avec lesquelles il faut s’arranger. L’une d’elles nous pèse de plus en plus. A la question : Alors le Maroc, c’était comment ? Il y a des moments où, sérieusement, je répondrais : Trop poussiéreux ! Alors on s’est mis à rêver de brise de mer et de vagues déferlantes. Nous allons reporter la visite de l’anti Atlas au profit d’un tracé plus direct vers l’océan. Nous viserons Tata, Guelmim et l’Atlantique à Sidi Ifni.

sur la route de Tata 

La route est belle. En courbes ondulantes, sur un revêtement lisse, on a l’impression de surfer le relief peu accidenté. Donnant un peu de vie à ces étendues, les acacias disséminés, tentent de survivre au manque d’eau. Les ‘dust devils’ sont légion. Le Sahara guette et se permet même des incursions sablonneuses par endroit. Blottie au pied de l’Anti Atlas et faisant face à la Hamada du Drâa, Tata la brûlante nous invite à la pause. Nous l’accueillons comme un cadeau.

20.11.19, stop au sud d’Agadir

Au départ de Tata, nous traversons une zone plate et monotone. La route égrène lentement ses kilomètres au rythme de bornes très ‘françaises’. Mais à bien y regarder, on se rend compte que le Maroc est plein de ressources et cultive l’improbable. Plutôt qu’un décompte démoralisant, les bornes annoncent à tour de rôle le prochain village ou la prochaine ville, le chef lieu ou la ville principale de la région, la capitale y a sa place de temps à autre, certaines sont illisibles, d’autres manquent. De plus, on peut compter en moyenne 1/3 de dromadaire tous les 10 km, 1 âne tous les 20km, 1 âne bâté tous les 50km et épisodiquement quelques nids de poule. L’ennui se noie en compte d’apothicaire !

Il nous faut passer Icht pour voir la route bifurquer vers l’anti Atlas et gagner en hauteur et en intérêt. La maison Saharaouie nous attend à Aït Bekkou près de Guelmim, nous y faisons connaissance de Saliha l’expat et de Philippe qui organise des treks dans le secteur. C’est un coin de palmeraie hors du temps et des considérations ‘mercantilotouristiques’ où j’aurais plaisir à passer du temps. Mais la météo tourne, le sol est 100% argileux et pour les plantages j’ai déjà donné !

17-21.11.19, Sidi Ifni.

Nous voilà au bord de l’océan. C’est l’heure de se reposer et de soigner le ‘refroidissement’ de Marthe.

Sidi Ifni se donne des airs de villégiature balnéaire. Pour la première fois on voit au camping des locataires au long cours affairés à faire passer le temps et les Marocains d’ici sont moins bruts de coffrage. Nous faisons installer un panneau solaire au standard marocain…

Au troisième jour, on se réveille avec quelques gouttes. Elles passent bien vite et laissent quelques nuées qui colonisent les premiers reliefs. Malgré le peu de visibilité, on ressent cet air propre et frais. Une bénédiction après tant de poussière. Mustafa, sculpteur sur bois flottés, donne un peu de beauté et d’humanité à cette plage qui par endroit est un véritable dépotoir.

Finalement le bleu prend le dessus et fait bientôt place à un nouveau coucher de soleil sur les promenades de Sidi Ifni l’ex-Espagnole bleue et blanche. C’est déjà notre quatrième nuit ici.

22.11.19, Legzira

Journée humide annoncée, nous avons peur de prendre racine alors nous quittons Sidi Ifni et rejoignons Legzira. Matin pluvieux, après midi sec mais brumeux, nous nous baladons à Legzira beach. Les cactus endémiques poussent en demi sphère, le peintre fou a sévi sur une carrosserie, dans la brume les arches déploient leur charme, Il faut attendre 18 heures pour voir le soleil réapparaitre et passer une belle soirée.

23.11.19, Mirleft

Voilà c’est à mon tour de devoir me soigner. Fervex, antitussif et antigrippal sont au menu, j’espère régler ça tambour battant d’ici la fin du mauvais temps. Pour ce dernier jour de pluie, nous avons emménagé dans le camping Erkounte Park sur la R104. C’est le plus ‘classe’ depuis notre arrivée au Maroc. Bloc sanitaire flambant neuf où presque tout fonctionne, service discret et propreté faisant honneur au passé Dannois du gérant. Nous faisons les courses à Mirleft sous la pluie. Si c’est étonnant de voir la ville dans la boue au lieu de la poussière, ce n’est pas plus pratique pour autant… Ces bourriques de touristes ! Jamais contents !

Comme hier, la météo s’améliore en fin de journée. La balade le long du littoral a des allures nordiques. Entre chien et loup, la lumière est étrange, c’est ‘mystérieusement sympathique’. Au resto, la cuisinière nous prépare un ‘sar commun’ pour deux. A nos yeux, il n’a rien de commun. Bien présenté, servi avec frites et lentilles, on en vient difficilement à bout. C’est un repas grande classe. Nous rentrons au bus bévouks, les étoiles brillent, demain il fera beau, demain ça volera, Inch’Allah.

24.11.19, De Legzira au Nid d’aigle

Et ça vola ! Vol furtif en nord sur la grande arche de Legzira, c’est déjà cadeau, le gonflage m’aurait suffi. Trop vite ça tourne en sud et nous roulons sur Aglou plage. On se balade sur le front de mer. L’ambiance est estivale et décontractée, deux voiles sont scotchées dans une combe du relief, on prend le temps de vivre.

25.11.19, Aglou – Nid d’aigle

Après avoir reniflé le vent au port d’Aglou, je me décide pour le nid d’aigle. Ça vole, pas haut mais ça vole. En fin de journée, je gonfle un peu sur le grand déco en compagnie de Benny, Zurichois de passage. On échange nos voiles et quelques phrases, c’est bien sympa. Le soleil tombe, le vent cale, en pleine conscience je m’élance. Le simple plaisir de voler est au rendez-vous. Sans contrainte, sans besoin de justifier, comparer ou rentabiliser, ces secondes de vol sont un don du ciel.

Nous allons dormir entre Suisses au déco; sous les étoiles ça va être sympa. Mais avant, il est un autre plaisir, c’est celui de la cuisine. Malgré ou grâce au cadre restrictif de notre cuisine, les repas du soir sont devenus des moments importants, vécus et attendus.

26.11.19 Tiznit

Au matin, l’air est calme. Trop calme. Ça sent la journée de vent en latence… Depuis la piste, le marche-pied est démoli, le bus aurait besoin d’un service 30k, alors on part en chasse d’un atelier à Tiznit. Le cousin de l’installateur d’antennes télé se charge de démonter la marche, pour le service il faudra aller à Agadir.

On se balade dans les souks, où nous dînons d’un simple pain Tafarnoute sortant du four et d’un thé. De retour, nous nous baladons aux dunes littorales et passons un moment ‘luxueux’ à la terrasse d’un club. Les Zürichois sont partis, le déco désert nous appartient. Seuls au monde, nous y repassons la nuit.

27.11.19, Tafraout

La météo n’est guère propice au vol dynamique, nous décidons de filer sur l’anti Atlas. La route déjà parcourue avec l’équipe parapente en 2018 se rappelle à ma mémoire et se révèle bien belle. Tafraout, sertie dans ses granites rose nous accueille en fin de journée. La lumière sur les falaises du Lekst est magnifique. Le décor est planté pour quelques jours.

J’emmène Marthe et ma voile à la découverte des rochers peints. Surprise ! Les peintres sont là. Le vent aussi, j’en profite un peu pour jouer dans ce cadre peu conventionnel.

Tafraout est accueillante, on rallonge le séjour et visitons la palmeraie d’altitude d’Aït Mansour. Nichée au fond des gorges étroites du Mansour, son vert et sa fraîcheur offrent un contraste saisissant avec l’aridité alentour. Puis c’est une succession de monts stratifiés et arrondis qui nous ramènent au point de départ.

Tafraout nous retient. Même la ville, pourtant commerçante et tournée vers le tourisme, est chaleureuse. On s’y sent bien. Le climat est un rêve en cette fin novembre. Allez ! On reste encore un jour. On met au programme le Jebel Lekst. Belle journée en pleine montagne, sur des routes comme on en a plus chez nous…

Décidément on est trop bien ici. Il fait beau, nous décidons d’une journée vtt. Agard Oudad, le chapeau de Napoléon, picnic sur la piste des rochers peints, la palmeraie d’Adal : le périple baigne dans le calme. Les nuages défilent et leurs ombres, sans cesse, les poursuivent. Les roches, perdues entre orangé et violacé, semblent ne plus savoir quel rose nous présenter.

C’est finalement un des plus beau coin de notre voyage. Un lieu à dimension humaine où il fait bon partager un peu de son temps.

Dimanche 1er décembre, nous rentrons pour de bon sur Tiznit. Route un peu longue et sans grand intérêt, le nid d’aigle nous attend avec un vent bien orienté mais soutenu. Et à la dune, que pouic ! On rencontre Gildas le Breton et sa compagne Annie, on hésite à rester avec eux mais une voile s’est mise en l’air; il y a des priorités… Le temps d’arriver en haut et c’est blindé. Heureusement la crête est longue et contrairement à moi, les pilotes préfèrent voler que jouer à reposer. J’en profite à cœur joie, avec ce vent la repose au déco est exquise. Approche par dessus et travail en S jusqu’à poser entre les pilotes qui se préparent. Parfois je me retrouve en statique à 1 mètre du sol. Le nid d’aigle est enfin ‘fait’ et bien fait.

Aglou beach

Lundi 2.12.19. Ce matin le vent s’est mis à siffler, le bus à oscillé puis la pluie battante a couronné le tout. Blottis sous la couette, ce fut avec délice qu’on laissa passer cet interlude. Puis on file sur Aglou. Vent misérable, on s’improvise ‘grand taxi’ pour Massa. Retour sur Aglou par Tiznit, le vent est travers sud, on décide de se balader sur la piste du bord de mer. Mais, passé le port, au loin apparaît une calotte Gin. Pour moi, la balade se transforme en super séance de vol. A trois voiles on exploite une combe orientée un peu au sud. Falaise suivie d’une pente à inclinaisons diverses, c’est petit mais ça le fait super bien jusqu’à l’arrivée d’un gros grain. Après deux ans d’attente, Aglou s’est enfin révélé magique. Je finis de plier heureux sous les gouttes et les bourrasques, la journée se termine comme elle a commencé. Mais des journées annoncées pourries comme celle-ci, je suis preneur.

14.12.19, de Aglou à Mohamedia…

Voilà 12 jours que ce journal attend. La région du nid d’aigle a tissé sa toile et nous nous y sommes englués avec délices. La torpeur marocaine nous sied et c’est avec plaisir que nous dépensons notre temps entre vols, rencontres, balades et bon temps.

On a jamais tant rencontré de monde. Othman et Nigel au nid d’aigle, Willy à Agadir, les Irlandais à Taghazout, Philippe à Aglou et finalement Gildas et Annie sur la plage sous le nid d’aigle; tous on donné un peu plus d’humanité à ce voyage parfois un peu ‘minéral’. Et ces partages, simples mais fraternels, démontrent tout le profit qu’il y a à aller vers l’autre. Alexandra David-Néel l’a si bien dit : Celui qui voyage sans rencontrer l’autre ne voyage pas, il se déplace.

Au nord d’Agadir

Après la réparation du bus et le service, nous passons l’après midi à Agadir et y rencontrons avec plaisir Willy. Mimi n’est pas bien, garde l’appartement et nous fait part de ses salutations. Dans la foulée nous filons au nord en direction d’ Imsouane et passons trois nuits au km25. J’y attends patiemment du vent d’ouest pour jouer sur les contreforts du Jbel Lgouz mais c’est en vain. Alors on tire parti de la vallée du Paradis, des soles ou crevettes fraîches à 5 francs le kilo et des superbes plages. Plus au nord, la météo part en quenouilles, nous redescendons au sud pour profiter de notre dernière semaine de liberté. Oui, nous entamons déjà la huitième semaine …

sous le nid d’aigle

sous le nid d’aigle

Nous retrouvons Annie et Gildas sur la plage à proximité du Green Wave Ecolodge. Bivouac sauvage sur un beau site agrémenté de la cuisine et des sanitaires d’un 3 étoiles, c’est parfait. Quand ça ne vole pas; la plage, les balades, le barbier, la popote et la papote meublent ce temps qui coule à toute vitesse. Alors qu’il fait un temps de chien en Europe, ici, la météo est nickel; on profite au maximum de cet été indien à rallonge.

A 2000m, au col de Tizi n’Test

Mais il est bien vite temps de penser au retour. Nous choisissons la route du Tizi n’Test pour remonter sur Tanger. Nous bivouaquons au col sur le parc de l’auberge ‘La belle Vue’. Et là, du coucher au lever de soleil, on se rend compte que le nom de l’hôtel a du sens.

Puis, tel des ronge-goudron, on trace la route. Marrakech Casablanca Rabat Larache Tétouan, les 800 km sont bien vite avalés. Nous bouclons la boucle au camping de Martil. Ici, à part les vêtements chauds, rien ne laisse penser que deux mois se sont écoulés.

Et pourtant, alors que nous nous baladons sur la plage, je repense aux pêcheurs du mois d’octobre. Et je me dis que maintenant, j’aurais peut-être l’intelligence de participer, le courage de tirer au filet, la simplicité de partager.