
Changement de cap
On visait le nord français. Après une semaine de report, la météo est toujours aussi peu engageante au nord. Marthe propose de nous réorienter au sud, en Corse par exemple. Au diable les ciels bas, bonjour le bleu si profond des eaux du golf de Gênes.

Nous roulons sur le Grand Saint Bernard, passons le col et retrouvons le val d’Aoste. Au rythme du bus orange, cette route est bien différente de celle de mes voyages en direction de Montebelluna.

2400m, plaisir de neige…
Le riz est en eau dans la plaine du Pô et alors que la voix de Charlelie nous chante ‘Comme un avion sans aile…’, sur l’autoroute, un chargement lui répond ‘j’ai roulé toute la nuit, oui j’ai roulé sans elles…’ il ne nous manque plus que Joe le taxi !

A Savone les parasols attendent les touristes et nous, nous attendrons au camping le ferry de demain.

Ferry Bastia et BASTA !
Drôle de journée. C’était un peu ‘Attendre pour pouvoir se dépêcher puis, se dépêcher afin d’attendre…’ File à l’embarquement, file au débarquement, files multiples à Bastia. Tout ça pour filer au cap Corse.

Et c’est au cap corse que la nature nous rattrape, et me calme. Le voyage insulaire peut enfin commencer.

Au bout de la Corse
Côte Ouest du cap
Il a soufflé fort cette nuit, le bus était sujet au roulis. Mais s’endormir, seuls au monde, lanterneaux ouverts, le nez au vent parfumé de la garrigue, fut un véritable délice.

Île de la Giraglia
Après un échec à la plage de Barcagio pour un premier café, nous faisons halte à Centuri. Balade, terrasse, on se reprend. Puis c’est l’appel de la grande bleue à Giottani. Pic nic sur la plage suivi de baignade dans les eaux claires de la baie.

Nous installons le bivouac à Canelle. Belle vue au calme avec accès aux falaises et leur monde minéral.

De Canelle à Ponte Leccia
Le gris minéral que l’on devine maître du centre de l’île, ici, s’étiole. Parfois le vert s’exprime mais le ciel imprime la mer et le bleu, soutenu, puissant, s’impose en maître.

Ce matin nous retournons à la plage de Giottani. C’est incroyable l’attrait qu’a ce lieu sur moi…

Plage trop textile…
J’y retrouve de quoi me baigner et vu l’heure, le bain y est un peu plus revigorant. Mais, bientôt, seul reste le plaisir. La vraie vie quoi ! Celle qui se fait ressentir !
Nous roulons sur Saint Florent, y faisons le plein de gazole et de glace, nous voilà prêts à affronter les montagnes.

Lors d’une jolie balade, on pique-nique sous un beau chêne. Mais il fait petite mine face aux majestueux châtaigniers du coin. On est en Corse ! La route devient aussi étroite que belle et nous réserve quelques points de vue sublimes.

Ponte Leccia apparait en fond de vallée, le chemin touche à sa fin et nous calmons notre faim sur la terrasse d’un resto. Le jour s’enfuit à l’Ouest. La lune, pleine, le poursuit et repeint la nuit. Une fois encore le ciel est bleu !
Restonica mon amour
Endormis à côté d’un terrain vague et réveillés dans un chantier de construction ! Grasse matinée reportée et départ avancé. Nous voilà donc très tôt au camping Tuani dans le val de la Restonica. Ici, pas de réservation, de secteur, d’emplacement délimité ni de douches à monnéyeur; c’est la nature qui ordonne. Chacun choisit le coin qui lui parle. Et il faut avouer que ça se passe plutôt bien, le camping y retrouve son étymologie.

Bivouac investi, nous partons en balade. Après avoir longé un peu la Restonica, un sentier s’élève rapidement en surplomb d’un affluant. Passé cette corniche, nous retrouvons le lit de la rivière. Gros blocs de granite érodés, socle entaillé par l’eau, cascades, piscines, petites plages… C’est superbe et à notre unique usage.

Eaux vives
Ici, de bleu, il ne reste que le ciel. Et ce bleu est aride. L’eau, elle, a quitté ces tons froids et se conjugue plutôt dans les verts. Sa beauté tient surtout à sa limpidité. Vive, fraîche, douce, bienfaisante, elle donne et appelle la vie.

Le spa perso
Impossible de résister bien longtemps. Fraîcheur, difficulté d’accès ou manque de maillot, rien n’y fait. Je me retrouve bientôt, tel un enfant, dans les bulles délicieuses…

Douce et calme soirée, risotto succulent, la nuit peine à régner. Rien ne presse. Comme à dessein, en contre-bas, la Restonica chante et s’étire inlassablement. Et, dans le peu de bleu restant là-haut, les étoiles se font désirer.
Restonica, 2ème effet cool
Camping Tuani, 2ème jour. Y a rien qui soit toujours pareil. Nous testons le ptidej au soleil sur la table pliante. Autour de nous la vie renaît. Etirement ici, étendage là, cafetière là-bas, notre voisin de quelques mois fait savoir qu’il a faim lui aussi.

Nous repartons le long de la Restonica. Vue charmante, le vent de vallée tempère l’atmosphère déjà brûlée par un soleil de plomb. Après quelques km, nous passons rive gauche et le sentier escalade la pente. L’ombre se dissout et laisse place au caniar. Bientôt la Restonica, toujours bordée de son beau chemin ombragé, nous nargue dans son écrin de verdure. Nous abandonnons le lieu aux ronces, aux lézards et autres kairns.

Le retour à la source s’impose. Nous pique-niquons près d’une superbe piscine naturelle. A peine le temps d’une baignade et le ciel se charge en amont.

Nous rentrons au rythme du voyageur comblé. Apéro, sieste, douche, repas, ce camping Tuani est top.

Col de Verde
Ce matin, nous laissons tomber l’idée d’aller voir les lacs au fond de la Restonica. La petite route est sur fréquentée, on redoute la ‘Grossmythen’ du coin. Nous partons donc sur Ghisoni. Achat d’un cadeau 19 juin chez une artisanne à Venaco, puis, peu après on quitte la grand route en direction du col de Sorba. Les pins sont de plus en plus beaux. La vue est magnifique et nous sommes quasi seuls sur le bitume.

Peu après Ghisoni, une route flambant neuve nous propose les sports d’hiver. Nous montons à la station et engageons une balade sympa dans un cadre ‘montagne’ Marthe voit son serpent journalier, ça c’est fait…

Nous hésitons à bivouaquer sur place. Nous sommes sur le GR20, ça défile plein pot à l’arrivée de l’étape alors on s’en va vers le col de Verde et nous quittons la haute Corse pour la Corse du sud.

Même les lierres se sentent corses et expriment leur caractère…

Et, toujours, les arbres ! Hêtres à écorce de ‘ciment’, pins Laricio : de pures merveilles.
Plateau de Coscione
Une naturopathe rencontrée hier nous a parlé de Coscione en termes flatteurs. Nous y allons, la petite route en cul de sac perdue dans la forêt est déjà un plaisir. Vers 1300m, la pente se fait plus douce, le regard gagne en portée, on sent bien que quelque chose arrive.

On s’arrête à la bergerie de Bassetta, contact agréable, l’idée d’y passer la nuit est ancrée. Nous allons nous parquer un peu plus haut et empruntons le GR20. Chouette balade sur le plateau le long d’un ruisseau, puis on s’élève jusqu’à la cabane de Croci plantée de tentes bleues pour la saison…

Superbe vue sur les massifs corses, des fleurs un peu partout, une belle lumière, pic nic bien venu : Que du bonheur !

Mais le plus étonnant, ce sont les hêtres. Il n’y a pratiquement pas d’autres essences dans le coin.

Arbres vénérables à vies multiples.

Tronc majestueux tout droit sortis d’un conte.

Et ces écorces si différentes de celles de chez nous.
Filitosa-Campomoro
Après cinq jours de montagne, l’idée de revoir la grande bleue et de passer une journée sans dénivelé pédestre nous fait envie. Nous faisons donc nos adieux au lieu

et à ses principaux occupants

A partir d’ Olivese, nous suivons le cours chaotique de la Taravo par une ‘route’ noyée dans le maquis, en plein terrain d’entraînement à ce sport national qu’est le tir au panneau de signalisation corse.

Sur le chemin de la mer, nous nous arrêtons pour voir les menhirs scultés de Filitosa. Beau site qui pousse à l’introspection. Une langue par ci, un menhir par là, la nature coquine entretien le mystère : Mais pour qui sont-ils dressés ?

Lassés des effluves grises du bus orange, nous consacrons un peu de temps au service-vidange. 11 minutes montre en main : investissement nickel !
Puis ce fut à l’équipe d’Orange de me lasser. Face à tant d’incompétence, recharger une carte prépayée devient une gageure. Le principe de Peter est bien en place dans les télécoms.

Positivons ! La prestation de tout ce staf high tech a au moins flatté mon égo.

Bien joli de soigner son égo mais par 30 degrés ça rafraîchit que dal. Alors rajoutons au road book Campomoro, terrasse, plage, baignade, popotte, vaisselle, douche. Et go ! Comme un légo sans mémoire…
Retour à Coscione
En corse, on est toujours près des montagnes et jamais bien loin de la mer. Le camping était simple et sympa mais Campomoro c’est la côte d’usure corse. Pas envie d’y traîner, on retourne voir le plateau de Coscione mais par son accès sud cette fois.

Une heure de route nous amène à Quenca, une seconde sera nécessaire pour atteindre le plateau par une route en mauvais état. Je m’arrête à mi chemin au gîte chez Pierrot. On peut y passer la nuit, on mangera chez lui. En attendant, balade sur le plateau.

On y découvre un lieu étonnant. Le granite y est bien présent sous la forme de boulders mais c’est la prairie rase partiellement couverte d’arbustes rampants qui domine. L’eau est omniprésente. Des flux souterrains se rejoignent pour former des ruisseaux semi enterrés. Puis ceux-ci s’assemblent en rivière à ciel ouvert. Ce sont les ‘pozine’ corses.

Le vaste plateau est l’habitat de hordes de chevaux sauvages et semi-sauvages, peu farouches. Ici pas d’arbres mais, loin au nord, les hêtres apparaissent, là où nous les avons laissés jeudi. La rando doit faire vivre des moments forts…

Nous redescendons dans le parfum de l’aubépine. Bianca se fait des copains au gîte et nous passons un agréable moment lors du repas en compagnie de gens d’horizon divers. Chouette moment de partage.
Bavella
En ordre dispersé, les ‘Alsaciens’ juchés sur le pickup de Pierrot ou à pieds nous souhaitent le bonjour. Ils reviennent de nourir les cochons, Pierrot tient à me serrer la main. Il est des contacts qui en disent plus que de longues phrases. Nous déjeunons.Une fois encore, le parfum des églantiers nous entoure. À quand les photos olfactives ? Nous montons à la bergerie de Jeannot et y buvons le café. Puis c’est Bavella…

Parcage au col et balade au trou de la bombe. On y arrive quasi avec les barbules.

On souffre de la chaleur, on aimerait presque que cette photo soit d’actualité.

Je pensais bivouaquer en sauvage dans le coin. Mais rien à faire. A force de rouler, la mer se rapproche, mon humeur reflète ma frustration. J’aurais bien besoin d’un punchingball. Stop en bord de route, analyse, je fais demi tour à la recherche d’un camping. Le deuxième sera le bon. La Solenzara et une Leffe nous rafraîchissent. Je me détends et m’imagine comme le fanatique : Brûlé dans la plaine, maudissant le mauvais sort, je L’entends. Un sourire moqueur au lèvre Il me sussure : et les quatre campings que j’ai mis sur ta route…

Même plus mal…
Le chaud s’installe. La nuit ça va bien. Mais dès 10h, le soleil est redouté. Plutôt que rouler, je choisis les cascades de Purcaraccia sur le Polishellu près du col de Larone. Superbe site avec vasques et toboggans. Mais très fréquenté… Il nous a fallu bien du talent pour trouver une piscine un peu intime. Mais ça en vallait la peine.

Même Marthe s’est baignée. C’est vous dire s’il faisait chaud ! Bianca s’est découvert une nouvelle passion. Après les lézards, les truitelles. Retour au camping vers 17h, baignade, douche, popotte, il est 22h. La fraîcheur s’installe. Coldplay me berce, la Solenzara fait un fond sonore aux grenouilles et criquets. La nuit a pris possession du camp. Bévouk de soleil, d’eau, de pins et de cailloux, je rejoins mon lit.
Solidarcorse
Grève à Bastia. Pas de bateau pas de retour. Soyons solidaires ! Un communiqué minimaliste est assuré tout de même :
Trajet : Solenzara-région Corte.
Temps : 32 degrés, trop chauuuuud.
Bivouac : près de Venaco.
Vécu : Tous à l’eau dans le Vecchio.
J-1, farniente au Vecchio.
Journée minimaliste. Bronzette, baignade dans le Vecchio, pic nic et popote. Soins du corps et de l’esprit, rien que des choses simples, calmes, lentes et la journée passe pourtant à vitesse grand V. Dernier café dehors, la nuit s’en vient, quelques chiens abboient au loin, le camping est déjà mort et nous le serons bientôt aussi.

Le dernier coucher de soleil corse
A l’heure des comptes

Il me faut bien clore ce carnet sinon ce ne serait plus une escapade. Fuir le tourisme de masse, s’extasier sur les bleus, renaître au miracle de l’eau, s’apaiser auprès des Laricios : voilà des choses qui n’ont guère changé en trente ans. A Bavella, Bastia et Campomoro, plus guère de traces du coeur Corse que j’aime. Mais en ouvrant les yeux, en faisant abstraction, ou simplement en changeant de rive comme à la Restonica, nous l’avons bien souvent retrouvé sans une ride et beaucoup apprécié.
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